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Pourquoi certains cancers métastasent à des organes spécifiques ?

La métastase est un processus complexe où les cellules cancéreuses quittent la tumeur primaire, envahissent d’autres organes, et forment des tumeurs secondaires. Le choix des organes cible n’est pas aléatoire mais dépend de facteurs biologiques et anatomiques bien déterminés.

Ce phénomène est expliqué par :


1. Théorie de la “graine et le sol” (Paget, 1889)

Les cellules tumorales (“graines”) se développent dans des environnements favorables (“sol”) : des organes possédant des caractéristiques spécifiques (facteurs de croissance, vascularisation, microenvironnement).


2. Distribution anatomique et flux sanguin

Les cellules cancéreuses suivent souvent la circulation sanguine ou lymphatique et atteignent les organes les plus proches ou bien irrigués.


3. Adhésion moléculaire spécifique

Les cellules cancéreuses expriment des molécules d’adhésion spécifiques (comme les intégrines) qui interagissent avec les tissus cibles, facilitant l’attachement et l’invasion.


Processus général de métastase


  1. Détachement des cellules cancéreuses

Les cellules quittent la tumeur primaire en rompant les jonctions cellulaires grâce à l’expression de métalloprotéinases (MMP), qui dégradent la matrice extracellulaire.


2. Invasion des vaisseaux sanguins ou lymphatiques

Les cellules cancéreuses entrent dans les capillaires environnants (intravasation), survivent au stress mécanique et à l’immunité dans la circulation sanguine.


3. Arrêt et extravasation

Les cellules cancéreuses s’arrêtent dans les capillaires des organes cibles, adhèrent aux parois vasculaires grâce aux molécules d’adhésion, et traversent la paroi pour coloniser un nouveau tissu.


4. Colonisation

Les cellules tumorales prolifèrent, recrutent des vaisseaux sanguins (angiogenèse), et créent un microenvironnement favorable à leur survie.


Ordre et site de métastases selon différents cancers


Voici des exemples détaillés expliquant pourquoi les métastases apparaissent dans un ordre déterminé pour chaque type de cancer.


1. Cancer du poumon

Sites les plus fréquents : foie, os, cerveau, glandes surrénales


Explications :

  • Les poumons sont connectés directement au foie par la veine cave inférieure, facilitant la migration des cellules cancéreuses.

  • Le cerveau est également une cible fréquente grâce à sa riche vascularisation et aux interactions moléculaires (ex. CXCR4/SDF1).

  • Les glandes surrénales attirent les cellules tumorales grâce aux signaux endocriniens qui stimulent leur colonisation.


2. Cancer du sein

Sites les plus fréquents : os, poumons, foie, cerveau


  • Os :

    Les cellules cancéreuses expriment des molécules spécifiques comme la parathormone-related protein (PTHrP) qui stimule la résorption osseuse et favorise leur implantation.


  • Poumons et foie :

    Une circulation riche et des facteurs de croissance spécifiques rendent ces organes propices.


  • Cerveau :

    Le rôle des chimioattractants (CXCL12/CXCR4) favorise la traversée de la barrière hémato-encéphalique.


3. Cancer colorectal

Sites les plus fréquents : foie, poumons, péritoine


  • Foie :

    La tumeur colorectale draine directement dans la veine porte hépatique, entraînant les cellules tumorales vers le foie.


  • Poumons :

    Lorsqu’un cancer colorectal dépasse le foie, les cellules cancéreuses suivent la circulation systémique jusqu’aux poumons.


  • Péritoine :

    Les cancers colorectaux peuvent se propager directement dans la cavité péritonéale en rompant la paroi intestinale.


4. Mélanome

Sites les plus fréquents : peau, foie, poumons, cerveau


  • Explications :

    Le mélanome a une capacité unique à coloniser plusieurs organes grâce à son agressivité et à la production de molécules pro-métastatiques comme les MMP et les intégrines.

    => Le cerveau est une cible fréquente, en raison de la grande adaptabilité des cellules mélanocytaires au microenvironnement cérébral.


5. Cancer de la prostate

Sites les plus fréquents : os, poumons, foie


  • Os :

    Les cellules tumorales de la prostate montrent une affinité pour le tissu osseux grâce aux interactions avec l’ostéopontine et les facteurs de remodelage osseux (TGF-β, BMP).


  • Poumons et foie :

    Métastases plus tardives dues à leur vascularisation secondaire.


6. Cancer du pancréas

Sites les plus fréquents : foie, poumons, péritoine


  • Foie :

    Proximité immédiate de la veine porte.


  • Poumons :

    Propagation hématogène après colonisation hépatique.


7. Cancer de l’ovaire

Sites les plus fréquents : péritoine, foie, poumons


  • Péritoine :

    Métastases fréquentes via des “semences” de cellules tumorales dans la cavité abdominale (carcinomatose péritonéale).


  • Poumons et foie :Propagation hématogène en phase avancée.


8. Cancer du foie (hépatocarcinome)

Sites les plus fréquents : poumons, os, cerveau


  • Explications :

    Le foie ayant une riche vascularisation, les cellules tumorales se propagent souvent aux poumons par le système cave.


Mécanismes moléculaires spécifiques des métastases


1. Chimiokines et récepteurs spécifiques


Les chimiokines et leurs récepteurs jouent un rôle crucial dans la régulation de la migration des cellules tumorales vers des sites spécifiques. Ce mécanisme ressemble à celui utilisé par les cellules immunitaires pour naviguer vers des sites inflammatoires.


  • Chimiokines CXCL12 et récepteur CXCR4 :

    • CXCL12 (SDF-1) est une chimiokine abondamment exprimée dans des organes spécifiques comme le foie, les os, et le cerveau.

    • CXCR4, un récepteur de CXCL12, est fortement exprimé dans de nombreux types de cellules tumorales (sein, poumon, pancréas). L’interaction CXCL12-CXCR4 dirige les cellules tumorales vers des niches spécifiques riches en CXCL12, favorisant ainsi la formation de métastases.

    • Ce mécanisme est exploité par les cellules tumorales pour se déplacer à travers le système vasculaire ou lymphatique et pour coloniser les organes distants.

    • Exemple clinique : Des inhibiteurs de CXCR4, tels que le plerixafor, sont en cours d’étude pour perturber cette signalisation et limiter les métastases.


  • Autres chimiokines et récepteurs impliqués :

    • CCL21 et son récepteur CCR7 jouent un rôle dans les métastases ganglionnaires.

    • CCL2 (MCP-1) est impliqué dans le recrutement des macrophages associés à la tumeur (TAM), qui participent à la progression métastatique.


2. Angiogenèse

L’angiogenèse, la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, est essentielle pour la croissance tumorale et les métastases. Les cellules tumorales produisent des facteurs angiogéniques pour stimuler ce processus, permettant une meilleure nutrition de la tumeur primaire et la création de voies pour l’invasion métastatique.


  • Rôle du VEGF (facteur de croissance endothélial vasculaire) :

    • Le VEGF est le principal facteur pro-angiogénique produit par les cellules tumorales.

    • Il agit en activant les récepteurs VEGFR sur les cellules endothéliales, stimulant leur prolifération, migration, et formation de structures tubulaires.

    • L’angiogenèse permet également l’extravasation des cellules tumorales dans les vaisseaux sanguins nouvellement formés.


  • Hypoxie et angiogenèse :

    • L’hypoxie au sein de la tumeur stimule l’expression du facteur inductible par l’hypoxie (HIF-1), un régulateur clé qui augmente la production de VEGF et d’autres facteurs pro-angiogéniques.

    • Cette cascade favorise l’établissement d’un réseau vasculaire aberrant, facilitant la dissémination tumorale.


  • Thérapies ciblées :

    • Les inhibiteurs du VEGF, comme le bevacizumab, sont utilisés pour bloquer l’angiogenèse, réduisant ainsi les chances de formation de métastases.

    • Cependant, certaines tumeurs développent des résistances en activant des voies angiogéniques alternatives (par exemple, les angiopoïétines).


3. Interaction avec les cellules immunitaires

Les cellules tumorales interagissent activement avec le microenvironnement immunitaire pour créer un environnement favorable à leur survie et à leur expansion.


  • Recrutement des macrophages associés aux tumeurs (TAM) :

    • Les TAM sont reprogrammés par les cellules tumorales pour soutenir la progression métastatique.

    • Ils sécrètent des cytokines comme IL-10 et des facteurs pro-angiogéniques tels que VEGF et TGF-β, contribuant à l’immunosuppression et à l’angiogenèse.

    • Les TAM produisent également des métalloprotéinases matricielles (MMP), facilitant la dégradation de la matrice extracellulaire (MEC) et la migration des cellules tumorales.


  • Détournement des lymphocytes T :

    • Les cellules tumorales inhibent l’activation des lymphocytes T cytotoxiques via des signaux immunosuppresseurs, comme l’expression de PD-L1 (ligand de mort programmée 1), qui interagit avec le récepteur PD-1 des lymphocytes T.

    • Cette interaction épuise la réponse immunitaire adaptative, permettant aux cellules tumorales de proliférer sans être reconnues ni détruites.


  • Rôle des cellules T régulatrices (Tregs) :

    • Les Tregs sont recrutées par des chimiokines comme CCL22, favorisant un microenvironnement immunosuppressif.

    • Elles inhibent les lymphocytes T effecteurs et renforcent la tolérance immunitaire vis-à-vis des cellules tumorales.


  • Implications thérapeutiques :

    • Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (anti-PD-1, anti-CTLA-4) sont utilisés pour restaurer l’activité des lymphocytes T et combattre les métastases.

    • Les stratégies visant à reprogrammer les TAM ou à bloquer leur recrutement sont également en développement.


Ces mécanismes, bien que distincts, agissent de manière synergique pour permettre la dissémination des cellules tumorales et leur survie dans des environnements hostiles, illustrant la complexité et la redondance des processus métastatiques.


Ainsi, chaque cancer suit un schéma métastatique unique dicté par des interactions complexes entre la circulation, l’environnement tumoral, et les signaux moléculaires. La recherche récente se concentre sur le ciblage des mécanismes spécifiques de la colonisation métastatique pour ralentir ou prévenir leur progression. Cela offre de nouvelles stratégies thérapeutiques pour mieux traiter les cancers avancés.




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